Couturière et lainière

Quand j’étais petite, je voulais être couturière et lainière. 

Le mot « lainière » n’existe pas en libanais, je l’ai inventé pour dire tricoteuse. Il vient de « Souf », laine. Je disais « Soufiyyé ». 

Ma grand-mère en était une. Elle tricotait des fils et des mots. De ses aiguilles naissaient des vêtements, de son souffle naissaient des histoires. 

J’observais le ballet des fils en écoutant l’histoire. 

Elle m’a raconté de tout. Des contes traditionnels, des histoires inventées, et la Bible de bout en bout. Même le livre des Macchabées, oui, tout. 

Les fins de pelotes étaient pour moi. A cinq ans, elle m’a appris à crocheter et à tricoter. J’étais fière. Je tricotais en racontant des histoires à mes amis imaginaires.

Ma grand-mère, ma Téta comme on dit là-bas, m’a donné l’espace. Comme la goutte d’eau dans la roche, elle a sculpté à l’intérieur de moi une grotte aux merveilles. Elle l’a remplie de magie, de tapis volants, de héros courageux et de thé au lait bien sucré dans des dînettes en plastique. 

Je tricote toujours et je raconte des histoires. Je conte pour les gens que j’aime, pour mes élèves et pour les amis imaginaires que j’ai gardés. Les fils de laine m’apaisent, les histoires m’illuminent. 

Voilà qui je suis aujourd’hui : tricoteuse d’histoires, de grand-mère en petite-fille. 

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